Comment faciliter l’apprentissage à l’école d’un enfant gaucher ?

Par Claude de Faÿ

Mis à jour le 05/09/2019 à 16:23

Plus d’une personne sur dix est gauchère dans le monde. D’où vient cette inversion ? A quel âge l’enfant choisit-il sa main dominante ? Et les conseils de nos spécialistes pour faciliter l’apprentissage à l’école d’un enfant gaucher.

950 MILLIONS DE GAUCHERS DANS LE MONDE. ET MOI, ET MOI, ET MOI…

A l’échelle de la planète, les gauchers sont légion et représentent 16 % de la population. Le pourcentage est identique dans chaque pays à la naissance… mais il varie ensuite selon la façon dont ils sont acceptés dans la société. Aux Etats-Unis où ils sont « bien vus » (ils ne sont pas « contrariés » et peuvent s’épanouir), il monte à 30 %. C’est clair, le monde appartient aussi aux gauchers, il ne faudrait pas l’oublier !

QUAND UN DES PARENTS EST GAUCHER, VOIRE LES DEUX, LEUR ENFANT LE SERA-T-IL AUSSI ?

Rien ne peut le prédire mais il a plus de chances de l’être aussi… Le Dr Alain Galobardes, fondateur du site www.les-gauchers.com, avance qu’il y a 15 % de probabilité qu’un enfant soit gaucher quand le père ou la mère l’est, 46 % lorsque les deux le sont. La part d’hérédité existe donc mais on n’a pas encore trouvé le gène responsable ! On sait aussi que l’influence hormonale est en partie à l’origine de la latéralisation cérébrale. Un taux élevé de testostérone (l’hormone masculine) incite le cerveau humain à s’organiser de façon asymétrique et favorise le développement de l’hémisphère droit dominant chez le gaucher. Ainsi, sur 10 enfants gauchers, 6 sont des garçons.

ON PEUT ÊTRE GAUCHER DE LA MAIN MAIS PAS DU PIED, ET INVERSEMENT ?

D’après la définition du Petit Larousse, un gaucher est une personne qui se sert ordinairement de la main gauche. Elle est incomplète car il existe deux « genres » de gauchers. Dans le cas du gaucher intégral, la latéralité est totale. La personne est gauchère de la main, du pied, de l’œil ou de l’oreille. Le gaucher partiel, lui, n’a qu’une seule partie du corps latéralisée à gauche – par exemple le pied comme le footballeur Lionel Messi. Les ambidextres, eux, se servent indifféremment de la main droite et de la gauche. D’après le site www.les-gauchers.com, il n’y aurait que 3 % de vrais ambidextres.

Y A-T-IL DES SIGNES AVANT-COUREURS DE GAUCHERIE ?

Ce n’est pas parce qu’un bébé suce son pouce de la main gauche ou prend sa cuillère de la main gauche qu’il sera gaucher, il est beaucoup trop tôt pour le dire. Un tout-petit utilise indifféremment sa droite ou sa gauche, il ne commence à avoir une petite préférence que plus tard, vers 9 mois, quand sa motricité s’affine. Alain Galobardes a remarqué plusieurs indices qui, lorsqu’ils sont rassemblés, semblent indiquer plus de chances (ou de risques, c’est selon) de gaucherie : le bébé suce son pouce gauche (in utero aussi) ; dort préférentiellement du côté gauche ; la spirale dans ses cheveux pousse dans le sens contraire des aiguilles d’une montre ; il saisit un objet de la main gauche, etc. De nombreux parents ont souvent très tôt l’intuition que leur enfant sera gaucher en notant l’accumulation des petits gestes du quotidien.

À QUEL ÂGE LE CHOIX DE LA MAIN DROITE OU GAUCHE SE FAIT-IL ?

La latéralité se met en place progressivement et plus ou moins vite selon les enfants. Chacun évolue à son rythme. En moyenne, elle se fait entre 3 et 6 ans. A l’entrée en maternelle, nombreux sont les enfants qui n’ont pas encore choisi entre leur main gauche et leur main droite. C’est normal si à trois ou quatre ans, l’enfant hésite encore ! Selon une étude réalisée par le site les-gauchers.com sur environ 8 000 enfants, via des enseignants répartis aux quatre coins de la France, il y aurait 12,6 % de gauchers par classe, soit presque 4 élèves sur 30.

POURQUOI NE FAUT-IL PAS CONTRARIER UN GAUCHER ?

Parce que ce serait aller contre l’organisation naturelle de son corps et que cela pourrait provoquer dans certains cas, des troubles psychologiques (bégaiement, pipi au lit…) et des blocages scolaires. Pourquoi aller contre ce qui semble une évidence ? Si votre enfant prend naturellement sa main gauche, c’est qu’il est plus à l’aise avec ! CQFD. Etre gaucher n’est pas une anomalie, c’est un caractère biologique comme les autres. Comme on naît avec les yeux bleus ou marron, blond ou brun, on naît gaucher ou droitier !

AU CP, COMMENT ÇA VA SE PASSER ?

Il n’y a aucune raison que ça se passe mal. Votre enfant apprendra à écrire et lire comme n’importe lequel d’entre eux, pas plus lentement et de la même façon. La clé est qu’il soit accepté dans sa différence et ne soit pas en souffrance. Les enseignants ont maintenant l’obligation de ne pas contrarier les gauchers et faciliter leur apprentissage dès la maternelle. Certes, dans les faits, ce n’est pas toujours vrai. Mais avec de la vigilance, un peu de diplomatie et main dans la main avec l’instituteur(trice), tout se passera bien. En fin d’année de CP, votre enfant devrait avoir fait le choix entre sa main gauche et sa droite. Si ce n’était pas le cas, quelques séances avec un professionnel – orthophoniste, psychomotricien ou graphothérapeute – l’aideront.

IL ENTRE EN MATERNELLE ? LES ASTUCES DE PASCALE CHAVONNET*, GRAPOTHERAPEUTE.

Prévenez l’enseignant Certains d’entre eux sont plus sensibilisés que d’autres à la gaucherie. Discutez avec eux (ont-ils déjà eu des gauchers dans leur classe ? Ont-ils du matériel spécial ? etc.) et voyez leur réaction.

Valorisez votre enfant Certains parents sont inquiets d’avoir un enfant gaucher surtout si celui-ci naît dans une famille de droitiers. Le tout-petit le ressent ce qui ne le met pas d’emblée dans de bonnes dispositions pour apprendre et progresser. Dites-lui qu’il est capable de faire autant de choses qu’un autre élève ! Vous pouvez même ajouter qu’ils ont des atouts supplémentaires dans certains domaines artistiques et sportifs (escrime, etc.)… Citez-lui des gauchers célèbres comme Barack Obama, par exemple.

Laissez-le adopter l’écriture en miroir à la maison s’il en a envie. Dès la maternelle, on apprend aux enfants à tracer des lettres bâton. Pour ne pas casser l’élan de l’écriture et que le plaisir demeure, encouragez-le dans la voie de l’écriture en miroir (écriture de droite à gauche et texte lisible avec un miroir) quand il est avec vous, s’il le désire évidemment. Cela le valorise, cette écriture est « magique » et c’est une de ses spécificités ! En revanche, il serait souhaitable de lui expliquer que pour être lu par tout le monde, il devra apprendre à l’école à tracer ses lettres en partant de la gauche vers la droite comme les droitiers. L’apprentissage se mettra en place progressivement et les résultats dépendront du temps qu’on lui accordera. Quand on va trop vite, le geste risque de se crisper et l’enfant aura des douleurs. « Les gauchers s’adaptent à tout, il suffit de les aider sans avoir trop d’exigences les premières années » assure notre graphothérapeute.

Offrez-lui du matériel pour gaucher (stylos, ciseaux, etc.) si la maîtresse n’a pas le matériel adéquat. Boutiques en ligne : lesgauchers.com ; lamaingauche.com ; fourniscool.com/88-gaucher…

* www.graphotherapeute.fr

Il ENTRE EN CP ? LES ASTUCES DE PASCALE CHAVONNET*, GRAPHOTHERAPEUTE

À chaque rentrée, redites à l’enseignant que votre enfant est gaucher S’il n’est pas sensibilisé à la gaucherie, suggérez-lui de placer le modèle (à écrire, recopier des lettres par exemple) en haut de la feuille ou à droite pour qu’il reste visible quand l’enfant écrit. En effet, la plupart des enfants gauchers, quand ils écrivent de gauche à droite, le font en ouvrant largement le bras gauche qui se décolle du corps. La main se trouve sur la ligne d’écriture au lieu d’être placée dessous comme les droitiers. En faisant ainsi, sa main repasse au fur et à mesure sur la ligne. Il ne voit plus ce qu’il a écrit, perd le fil… 

Demandez à votre enfant de refaire devant vous ce qu’il fait à l’école Le bras doit être légèrement ouvert pour écrire, peu décollé du corps. Montrez-lui comment positionner sa feuille (son cahier) en l’inclinant légèrement à droite – et pas à gauche pour imiter les copains droitiers ! Certains enfants peuvent en être perturbés : dans ce cas, on décale la feuille (le cahier) légèrement vers la gauche. Ainsi, le bras a plus de latitude et l’enfant est moins gêné pour écrire.

Achetez-lui des stylos pas trop fins (larges au niveau du corps) pour éviter la crispation des doigts. Et ceux dont l’encre sèche vite.

Proposez-lui de s’asseoir à gauche de son copain droitier pour éviter de crisper le bras, et qu’ils ne soient tous deux au coude à coude.

Mieux vaut qu’il soit placé au centre de la classe, en face du tableau, voire légèrement sur la gauche. En effet, assis à droite du tableau, la torsion est double et opposée – le corps se tournerait de gauche à droite pour écrire, la tête, elle, de droite à gauche pour lire.

Posez des questions Votre enfant a-t-il mal aux doigts, à la main, au bras, au cou ? Certains enfants n’osent pas le dire à leurs parents… parce qu’ils croient que c’est normal ! Ecrire ne doit pas se faire dans la douleur. Si votre enfant est en souffrance, bloqué, prenez rendez-vous avec un orthophoniste, un graphothérapeute ou un psychomotricien.

* www.graphotherapeute.fr

GAUCHE ET DROITE S’AFFRONTENT !

Droite et gauche se sont toujours opposées, et pas qu’en politique. La preuve, notre langage quotidien. Une personne « droite », c’est quelqu’un d’honnête. Etre le « bras droit » de quelqu’un est prestigieux. On jure de la main droite et, à table, placer une personne à sa droite, c’est lui faire honneur. Alors que « passer l’arme à gauche », c’est mourir, « se lever du pied gauche », être de mauvaise humeur. Et « mettre de l’argent à gauche », c’est le dissimuler… CQFD !

Source visitée le 05/09/2020

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